Le café le plus cher du monde est un cauchemar pour l’animal qui le produit

Le Kopi luwak est un breuvage extrêmement rare et cher, mais derrière son goût particulier se cache une cruauté envers les animaux qui font sa réputation.

Le café le plus cher au monde se vend entre 20 et 50 euros la tasse. Mais les amateurs de ce café rare ne sont pas les seuls à en payer le prix fort: le bien-être de l’animal qui le produit, localisé en Asie du Sud-Est, est mis à mal.

Le Kopi Luwak est un café qui tient son nom de l’animal qui le produit, la civette asiatique ou luwak (Paradoxurus hermaphroditus). Ce café est une référence dans le monde du « café de luxe ». Le fameux breuvage se caractérise par un goût plus prononcé de noisette et une absence d’amertume, qui est dû à son processus de fabrication unique. Le Kopi Luwak est fabriqué à partir de cerises de caféier partiellement digérées qui ont été excrétées par la civette palmiste d’Asie (le luwak). Alors que le prix du Kopi Luwak diminue depuis 2013, un sac d’un kilo peut encore atteindre le prix exorbitant de 200 à 400 euros, et ce café est de plus en plus recherché par les touristes.

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Comment est fait le Kopi Luwak ?

Dans les excréments des civettes asiatiques, sont récupérés les grains, non digérés mais naturellement fermentés, de kopi luwak. Après séchage et torréfaction, ils donnent un breuvage moins amer que le café traditionnel avec un goût caramélisé ou chocolaté. En raison de ce mode de fabrication particulier, ce breuvage est rare, avec une production mondiale estimée à seulement 500 kg par an, d’après un article du Time en 2013. Mais ce même article explique que des fermes exploitant en masse les civettes arrivent à produire et inonder le marché chaque année de 50 tonnes de café en provenance de l’Indonésie, du Vietnam, des Philippines et de la Chine.

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Kopi Luwak excréments de civettes

Appât du g(r)ain

Historiquement, le Kopi Luwak était fait en utilisant les excréments de civettes palmistes récoltés dans la nature. Mais le prix toujours plus élevé du café a conduit des producteurs à capturer les civettes sauvages dans la nature et les garder dans des cages surpeuplées et exiguës à proximité des plantations de café. Un récent rapport publié dans la revue Animal Welfare, qui a évalué les conditions de vie de 48 civettes palmistes vivant sur 16 plantations, a décrit les méthodes de production du café de civette comme « une industrie esclavagiste ».

« Malheureusement, de nombreux touristes ferment les yeux sur la cruauté que cache le kopi luwak, et font même la queue pour prendre une photo à partager sur les réseaux sociaux », explique Neil D’Cruze, un chercheur pour l’ONG World Animal Protection, et co-auteur de l’étude.

Tandis que les civettes sauvages grignotent des grains de café dans le cadre de leur régime alimentaire équilibré, celles en captivité voient leur alimentation réduite aux cerises de caféier. Ces animaux, généralement nocturnes, souffrent également de claustrophobie. Soumis à tant de stress, l’animal peut aller jusqu’à l’automutilation.

Sauvage ou en cage: comment savoir ?

Depuis 2013, au moins 13 distributeurs (dont Harrods, un grand magasin luxueux de Londres) ont retiré le kopi luwak de leurs étagères, ou fait la promesse d’enquêter sur le processus de production. Mais réglementer l’industrie du kopi luwak est un sujet complexe: les défenseurs des droits des animaux affirment qu’il est difficile de retracer l’origine des grains de café de civettes, et encore plus difficile de déterminer si elles sont sauvages où si elles ont subi des cruautés.

Ce qui rend le Kopi Luwak si spécial, est le fait que les civettes sauvages choisissent les meilleurs cerises de café à manger. Garder les civettes en cages et les nourrir de toutes les vieilles cerises de café conduit à un produit de qualité inférieure.

Une enquête secrète de la BBC a révélé en 2013 comment le café de civettes gardées en cages dans des conditions inhumaines s’est retrouvé étiqueté comme « café de civettes sauvages » en Europe. Même Tony Wild, un commerçant de café qui a introduit le Kopi Luwak en Occident, met en garde contre celui-ci dans un article pour le Guardian. « Il est devenu de plus en plus industrialisé, grossier, et falsifié, » a-t-il indiqué.

« Tandis que l’Indonésie est l’épicentre de cet engouement absurde, d’autres producteurs viennent apparemment de Thaïlande, du Vietnam et peut-être d’autres parties de la région », explique au magazine Quartz Chris Shepherd, directeur régional adjoint en Asie du Sud-Est de l’ONG de conservation TRAFFIC. « Davantage de recherches doivent être menées pour comprendre toute l’ampleur de cette industrie, et étudier les moyens de réduire la demande pour une boisson qui cause des souffrances à des animaux sauvages. »

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